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« Printemps » de Rachid Boudjedra : la classe moyenne se révolte.

Deux lesbiennes dans un roman d’un père qui vous emmerde !

mercredi 13 août 2014, par N.E. Tatem

Dans "Hôtel Saint-Georges" Rachid Boudjedra raconte la vie d’un français décédé, à travers celle de sa fille. C’est le roman paru avant celui présenté ici, qui a pour titre "Printemps". Dans le précédent, c’est un ébéniste de l’armée française, chargé de fabriquer des cercueils, qui devient algérien dans l’àme. Un travailleur qui n’a rien d’un colonialiste, un ouvrier démuni qui a pour héritage à léguer à sa descendance l’amour de l’Algérie... Dans "Printemps", l’annonce est faite. Politique aussi, avec une contestation de la mémoire accaparée !

Autonome d’un sérail qui est de sa génération de la libération, contestataire de la classe rentière qu’il a toujours brocardé, sinon rebelle aux dogmes dévoyés aux grimages de traditions envahissantes que conservées, Rachid Boudjedra est le seul des auteurs algériens à vivre uniquement de ses publications et ses travaux avec les arts.

Cet énoncé devrait suffire comme portrait de celui qui vient de publier « Printemps », mais son évocation, de la révolte inachevée, fait apologie rugissante d’un vécu attendant la sédition. Et donc retient l’attention, en répondant à la question : de qui viendra un changement en Algérie ? La femme, comme centre de gravité de la classe moyenne...

En guerre contre les idéaux intellectuels du Monde arabe, où les moules (les modules) sont d’une rigidité métastasique et asphyxiante, Boudjedra est plus qu’intransigeant. Il propose des lesbiennes à lapider en terre d’islam, de quoi confronter les conditions algériennes à l’inexpugnable. C’est le sujet qui agace, alors que l’officialisation des mariages de personnes du même sexe, sous d’autres cieux, n’est pas passée inaperçue.

Une Algérie, comme plongée dans l’éprouvette du Monde, analysée.


Après avoir traversé l’histoire contemporaine de son pays, dans une démarche cohérente et impliquée de l’homme public averti, Boudjedra est maintenant un doyen, avec Assia Djebar, des écrivains algériens. Romancier, auteur de thé tre et scénariste, il est aussi celui qui a conquis un lectorat chinois qui est l’un des enviés, avec « l’escargot entêté » qui dépasse 1 million d’exemplaires vendus, comme rares les autres écrivains du Monde ont pu atteindre dans ce pays au gigantisme adroit.

L’auteur autonome des contingences que dessinent les pratiques algériennes, il ne se prive pas donc de manifester ses pensées. Ce seront alors, pas sans façon, de lourds thèmes qui sont dans ses ouvrages constamment livrés en sentences aux tréfonds ténébreux, mais aussi selon l’opinion féroce qu’intensifie une publication au devant de tous les discours.

Il est l’auteur (scénariste) de « Chronique des années de Braises » pour citer le film majeur du 7ème art algérien. Boudjedra se renouvèle en raccommodant le lien de son pays à l’existence humaine, jalousement universelle, la veut-il sa patrie. Comme l’intolérance envers cette pulsion sexuelle, Boudjedra raconte la vie d’à côté et selon une manière civilisée qui a tous les moyens de sa fougue !

La subversion des déshérités de leur honneur !


Dans la culture littéraire algérienne, Rachid Boudjedra seconde Kateb Yacine dans le captage des sujets affranchis de la structuration chaotique, qui l’entoure, en privant les expressions de penser ou contester la politique. Le qualifiant de « révolutionnaire » ne peut aller à l’œuvre de Yasmina Khadra, pour citer un autre modèle qui contente, aussi pour sa part, le roman francophone algérien. Ce dernier n’est pas aphone en dénonciations, mais ne traduit guère la teneur et la profondeur de Boudjedra.

Car le degré de subversion dans la création met à l’épreuve toute inspiration aux limites du raffinement et de la droiture. Et à chaque élément qui paraisse sous la signature R. Boudjedra, s’épluche et se déshabille une colère envers la personnalité algérienne. Dans presque tous ses nouveaux romans, un froissement qui réimplante le passé, pour ne pas cacher la mémoire, accompagne et habite le récit.

La société algérienne, fraîche et actuelle recèle, recèle cette intrigue universelle, l’amour entre deux femmes. Alors qu’on refuse au pays d’être dans son époque et sur sa planète. Dans ce nouveau livre, Boudjedra s’approprie donc l’homosexualité féminine, ce qui ne rétracte pas sa démarche de récalcitrant. Il fait sien de ce thème que nul n’est prêt d’ignorer ou de tenter d’effacer. Le reléguant au mépris, c’est oublier que le « printemps » a raté ses réformes...

L’amour entre deux femmes, chatouille l’obscurantisme officiel !


Outre de l’étaler, il y délecte, avec ses tripes de pas uniquement l’ancien officier de l’ALN mais aussi du citoyen aguerri à la pensée, son lecteur d’une histoire qui a le propre de l’urbanité et de la sociabilité vécue. Un présent qui hante honteusement de quelques souffrances, qui étaient masculines dans le film « Chouchou » de Maerzak Allouach, les mœurs sexuelles. Et les filles donc ! Celles qui sont, ce que les sociologues désignent par, moteur de la classe moyenne…

L’auteur a fait des études universitaires de philosophie, après son devoir de combattant pour la libération de son pays, alors que le Monde changeait autour de lui. Tel son devoir, il s’y prend à gratter les tartufferies bigotes et rappeler une certaine vie réelle et réduite à l’impénétrable marginalité. Cet abordage débloque l’imaginaire, de son contexte, pour imposer le raffinement qui le soutient dans l’adversité de la répugnance.

L’écrivain au parcours bien à l’écart des sentiers battus, y compris ceux du sponsoring fallacieux et de l’écriture « du marketing payant », fait parler ses principes, en mettant le soupçon d’agent actif et radicalement pénétrant le choix de société. Pas de détours dans l’expression de Boudjedra qui colle à l’évidence quotidienne. A travers l’écriture au style paraissant chiffré (Boudjedra, comme Djaout, est titulaire d’une licence en mathématiques) et qui bouge dans chaque ouvrage nouveau roman, pour faire palper l’accomplissement de sa modernité, dans son bercail bouillonnant.

Pendant la saison des amours, marier les enfants !


Avec le cru d’une sexualité incomprise, il place à la pointe des idées et des métaphores l’actualité du Monde, pour rattacher à l’humanité son cas d’Algérien frustré d’incompréhension. Dans les universités l’œuvre de Boudjedra sert plus souvent que d’autres algériennes aux études comparatives, parce qu’elle a une traçabilité puisée de son suivi d’une Algérie entreprenante insatiable de son destin… Mais aussi dans l’actualité, elle est profondément ancrée.

Tel un forcené dans la réalisation du « Printemps », Boudjedra, de plus en plus ravageur avec ses exégèses acerbes adressées aux dogmes pénibles, nous raconte, cette fois, la situation d’une algérienne amoureuse d’une espagnole, mais pas uniquement. Aussi, il colle à ce sujet le fameux « printemps arabe » qui augure qu’intolérance et désarroi.

La critique de fond, faite à la société algérienne par cet auteur, très effarouché quant à ses positions tranchées, n’est pas un miroir reconstituant l’occulte. Mais un relief de réalisme, ou de pragmatisme, en inflation en saison de renaissance. Directe, peu complaisante et ne se laissant pas apprivoiser par la perversité, l’imagerie, encore cette fois dans le style du précis, cet autre roman de Boudjedra s’appuie sur la controverse idoine à « l’Algérien moyen », où végète la conscience commune. Sinon où situer cette sexualité traumatique, en dehors de la classe humanisée au bon milieu de la société ?

La femme au cœur d’une révolution de classe moyenne.


A la fois reconstructrice de l’identité universelle, ce conte polymorphe commandite l’effondrement des tabous. D’où la critique sociale, dans l’amour et ses déchirements, s’exulte dans cette fiction qui ne se dérobe pas de citer le plaisir charnel… L’amour des deux femmes se passe dans une sphère intellectuelle, transparente et éduquée pour se faire entendre. Ce qui est inéluctablement, pour les sphères niaises, de la perversité toute basse.

Cependant craintif, le « Printemps » puisque d’une nature modéré, l’espoir inonde inexorablement la vie. Comme une saison inachevée à laquelle l’Algérie y croit, tout en la refusant ouvertement, par ailleurs, aux charlatans de la zone noire et du côté obscur. Ce récit traduit une construction, dévouée et indocile, affrontant le chaos !

Le choix de ce type de couple ramène d’abord à la forme érotique. Ensuite, la manière de crédibiliser ou d’affiner le roman, en faisant les récits biographiques, brûlants de passions et d’émotions dans jusqu’à 50% des 150 pages sur 300, des personnages pour les rendre quasi magiques, est une empreinte d’adresse. Dans « Printemps » de Boudjedra, la relativité cosmique met la vie la classe moyenne transcendante à tous...

Avec El-Kabbach, un journaliste originaire (ou ressortissant) d’Algérie. Son passage dans BIBLIOTHEQUE MEDECIS, est une perle de révélations.

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Rachida Boudjedra : La vie à l’endroit par ina

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Voir en ligne : Les figuiers de Barbarie de Rachid Boudjedra, complainte subversive pour que le capital mémoire serve l’espoir.

     
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