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Proclamation

Construire un nouveau parti pour les travailleurs, pour la jeunesse et les démunis ! Pour le socialisme, pour la démocratie socialiste !

mercredi 1er août 2012, par Salhi Chawki

Il y a 50 ans, l’indépendance ouvrait une nouvelle page pleine de conquêtes pour la grande majorité opprimée du peuple algérien. Comparé à la nuit coloniale, le progrès est immense sur le plan économique, culturel et social mais la déception, elle aussi, est immense.

Car, depuis des années, au nom de la loi du marché et de la liberté de l’argent, nos acquis sociaux sont remis en cause, nos réalisations économiques sont démantelées et les multinationales reprennent le contrôle de nos richesses. L’argent ne manque pas mais l’espoir du développement s’éloigne. La vie se complique pour les classes populaires pendant qu’une bourgeoisie insolente affiche sa richesse avec de plus en plus d’arrogance.

De larges secteurs de la jeunesse sont pénétrés d’un défaitisme national, d’un sentiment d’impasse personnelle et d’impuissance collective. Certaines fractions de nos élites intellectuelles s’égarent dans le délire néo-colonial. Pourtant, dans leur grande majorité, les masses populaires conservent ce sentiment de dignité hérité d’une épopée nationale au retentissement mondial, elles tiennent encore aux progrès sociaux et aux valeurs égalitaires consacrés par la mobilisation des premières années de l’indépendance. Mais les valeurs égalitaires du plus grand nombre n’ont pas beaucoup de défenseurs dans un univers médiatique et dans un monde politique trop souvent dédiés à relayer les campagnes libérales et les positions néocolonialistes.

Les travailleuses et les travailleurs ont besoin de leur propre parti pour donner espoir à la jeunesse et à tous les démunis

Après un 19ème siècle de destruction, de tueries et de déstructuration de la société algérienne pré-coloniale, les premières expressions nationales algériennes, au début du 20ème siècle, demandent l’assimilation des élites. L’idée indépendantiste est venue avec les travailleurs émigrés de l’Etoile Nord-Africaine, née dans le mouvement ouvrier, dans le sillage de la vague révolutionnaire de cette époque. L’ENA, donnera le PPA puis le MTLD. C’est de ce dernier, qu’est issu le noyau initiateur du 1er Novembre. Cette grande épopée a souffert des limites des directions nationalistes autoritaires et de leurs échecs. Les classes populaires des villes et des villages, paysans pauvres, travailleurs, qui portent la guerre de libération, du 1er novembre 54 au 11 décembre 60, n’ont pas d’expression politique autonome ni de parti indépendant, ils n’ont pas la direction de leur propre mouvement.

En 1962, les travailleurs des domaines coloniaux et les ouvriers des rares usines de l’Algérie coloniale prolongent l’indépendance politique par la reprise en main de nos richesses pendant que les classes aisées prônent le respect de la propriété. Que serait l’Algérie d’aujourd’hui si les colons avaient conservé les terres, les usines, les maisons… Que serait notre situation, aujourd’hui, sans les employés des services publics, sans les cheminots, les électriciens les postiers… qui font tenir debout une Algérie vidée de toutes les compétences techniques par le départ massif des colons ?

Mais, ce formidable mouvement de transformation de la révolution nationale en révolution sociale, n’a pas su dépasser le slogan nationaliste qui proclamait que les Algériens sont tous des frères. Cet élan révolutionnaire s’est étouffé parce qu’il a manqué un parti indépendant des travailleurs et des masses populaires. Il a manqué une organisation qui mobilise les frères d’en bas, la majorité, contre les appétits alors naissants d’une minorité de frères qui, eux, rassemblent leurs premiers millions, commençant l’accumulation primitive des capitaux de la bourgeoisie algérienne.

L’échec de l’élan révolutionnaire de 62-63 est dû à l’absence d’un parti et d’un programme pour transformer l’auto-organisation des masses en révolution socialiste.

La tentative de développement volontariste, des années 70, a distingué l’Algérie des néo-colonies classiques mais les contradictions sont nombreuses. Le capitalisme d’Etat et sa bureaucratie répriment durement toute expression politique mais ils organisent l’enrichissement à l’ombre du secteur d’Etat. Ce sont ces couches bourgeoises qui entravent l’industrialisation, privée de l’indépendance syndicale et politique des travailleurs. Ce sont ces forces qui s’opposent à la réforme agraire, privée de la mobilisation des paysans. Bientôt elles exigent l’infitah, c’est-à-dire l’ouverture économique aux intérêts privés et aux intérêts impérialistes.

Peut-on réaliser les t ches historiques du développement économique et culturel sans l’hégémonie politique des travailleurs, sans l’action organisée et consciente des masses populaires ? L’Histoire a répondu. Non !

En 88, après une décennie de révoltes populaires, une vague de grèves ouvrières dans la région d’Alger se conclut en une explosion massive nationale qui ébranle la dictature. La révolte de la jeunesse contre l’exclusion sociale impose une ouverture politique. L’aile libérale met à profit la déstabilisation qui résulte de la pression des masses pour défaire le consensus populiste égalitariste et engager des réformes qui consacrent la liberté de l’argent. Les travailleurs ne disposent pas d’un parti indépendant pour éclairer ces enjeux et pour conduire la révolte populaire. Les noyaux de militants socialistes qui animent la mobilisation sont trop faibles. Ce sont les islamistes du FIS qui se présentent, alors, comme le parti des démunis et ils sont portés par un élan massif des quartiers populaires. Après l’échec du FIS, la fuite en avant djihadiste qui accable les pauvres gens discrédite l’intégrisme. Au bout d’une décennie de massacres, tueries et destructions, les masses populaires doutent, désormais, de leur propre capacité à changer l’ordre social injuste et elles se réfugient dans l’attentisme. C’est parce qu’il y a une démoralisation populaire que le pouvoir a pu nous imposer, sous l’égide du FMI, un processus de régression sociale. Le plan d’ajustement structurel imposé par l’impérialisme engage la dégringolade du dinar dont la valeur est divisée par 20 pour effondrer le pouvoir d’achat des travailleurs. Un million de postes de travail permanents disparaissent à la faveur de l’élimination de milliers d’entreprises locales et du secteur public. Chômage, contrats temporaires, travail au noir, la précarisation sociale se généralise. La fin des monopoles étatiques et les privatisations offrent des secteurs entiers de l’économie à de puissants groupes privés et aux barons de l’informel. Et les multinationales reprennent pied.

L’absence, en octobre 1988, d’une force politique ouvrière, l’absence d’une direction pour les jeunes et pour les démunis a conduit à l’impasse sanglante des années 90 et à la régression sociale.

En 2011, il y a eu des milliers de grèves, des milliers de rassemblements et de marches. Ce déferlement social a ignoré les initiatives des courants libéraux démocrates comme il a ignoré celles des islamistes. Ces courants espéraient, chacun à sa façon, prendre la tête de la protestation sociale et l’inscrire dans le « Printemps arabe » de l’OTAN.

L’attentisme des masses ne signifie pas qu’elles adhèrent au statu quo. Elles l’ont prouvé, le 10 mai, où le vote pour les partis gouvernementaux, ne représente plus qu’un algérien sur dix. Mais cet ouragan social inédit n’a pas de représentation politique. Pourtant, ces luttes qui bravent les interdits et les forces de l’ordre, ces grèves et ces marches qui ne sollicitent aucun agrément expriment une demande démocratique. Pourtant, quand on revendique l’emploi, la titularisation, quand on demande un salaire suffisant, quand on exige le droit à la santé et à la formation, c’est qu’on s’oppose à la mondialisation libérale. Quand un mal-logé exige un logement social, quand un village isolé réclame une route bitumée ou le raccordement au gaz c’est qu’ils considèrent que les ressources naturelles du pays appartiennent au peuple, c’est qu’ils pensent que les droits naturels, que le bien-être des citoyens sont au-dessus des considérations financières. C’est qu’ils refusent la logique de l’argent. Mais il a manqué le parti qui porte ces revendications. Avec l’échec des nationalistes libéraux et celui de leurs alliés libéraux démocrates, avec l’échec des intégristes radicaux et celui des islamistes modérés, la notion même de parti est discréditée. Avec une vie politique réduite à des échéances électorales dénuées de tout enjeu sinon celui des ambitions personnelles de candidats aux propositions semblables, c’est le discrédit de la politique. L’abstention électorale, de plus en plus massive, exprime le sentiment largement partagé qu’aucun des partis existants ne propose une solution à la mesure des espoirs et des attentes.

Nous avons besoin d’un parti différent, d’un parti des travailleurs et des masses populaires, porteur de nos aspirations et organisateur de nos luttes.

50 ans après l’indépendance, le discours néocolonial envahit toutes les expressions, niant l’atrocité de l’occupation génocidaire déguisée en entreprise de civilisation, niant l’indignité de l’apartheid colonial présenté comme une société fraternelle, niant l’immense bond en avant vécu par le peuple algérien malgré la répression. Ce que nous dénonçons, c’est l’immense g chis de la gestion bureaucratique sans pour autant nier que des progrès évidents ont eu lieu gr ce à ces années d’indépendance Ce que nous dénonçons, c’est la désorganisation et le pillage éhonté résultant de l’hégémonie des forces de l’argent, sans lesquels les grandes améliorations survenues dans la vie des Algériens seraient encore plus considérables. Ce matraquage néocolonial n’est pas innocent. On veut légitimer la recolonisation en cours et la reprise en main par les multinationales de nos richesses, on veut justifier la tutelle politique des grandes puissances. Cette reconquête impérialiste a commencé en Irak, en Côte d’Ivoire et en Libye ; elle menace le monde.

Cette propagande néocoloniale entend aussi ignorer le rôle déterminant des masses populaires dans les changements historiques et dans les progrès réalisés. Car on veut prolonger, parmi les masses, la perte de confiance en soi, la perte de confiance dans la lutte. Car cette perte de confiance facilite l’offensive libérale contre nos acquis sociaux. Elle facilite la politique de reconquête et les opérations militaires contre nos acquis nationaux.

Les militants socialistes ont une autre analyse du passé et du présent au service d’une vision différente de l’avenir.

A toutes les étapes de l’histoire de notre pays, ce sont les humbles, ce sont les masses travailleuses et les masses privées de travail qui ont permis d’avancer. Ce sont nos luttes qui ont réalisé la libération nationale et la réappropriation de nos richesses, Ce sont les révoltes populaires qui ont permis de revenir au pluralisme politique, et de faire respecter Tamazight. Oui, Ce sont nos combats qui ont obtenu la liberté d’expression et le droit de grève. Ce sont aussi les étudiantes et les travailleuses qui ont fait progresser le droit des femmes. Ce sont nos grèves qui ont empêché la clochardisation sociale et préservé le secteur public du démantèlement total. Mais l’absence d’une direction consciente et déterminée, l’absence d’un parti indépendant des travailleurs et des masses populaires a causé, à chacune de ces étapes, le gaspillage des énergies déployées et des sacrifices consentis par les masses.

La démocratie, c’est la souveraineté du peuple sur les grandes décisions économiques et le choix de ses gouvernants. La démocratie, c’est le pouvoir du peuple. On ne peut faire progresser la démocratie en l’absence du peuple, en l’absence des masses désorientées et attentistes. Notre objectif n’est pas de réaliser une démocratie formelle pour dissimuler la dictature des forces de l’argent. C’est pourquoi nous mettons l’accent sur les libertés populaires, sur les libertés fondamentales, le droit imprescriptible d’organisation de manifestation et de grève, seuls moyens pour les masses opprimées de se faire entendre. Notre combat pour un grand parti socialiste indépendant permettra de redonner espoir aux travailleurs. Car depuis l’impasse sanglante des années 90, les travailleurs se disent : les libertés, la démocratie pour faire quoi ? Pour dire quoi ? Nous répondrons : les libertés ? C’est pour exiger la fin de toutes les oppressions et la fin du pillage impérialiste. C’est pour imposer la fin de l’exploitation capitaliste. C’est pour avancer vers une société différente : la démocratie socialiste.

Notre objectif : le socialisme, la démocratie socialiste !

Mais pour avancer vers le socialisme, il faut encadrer les combats d’aujourd’hui par des propositions immédiates et transitoires. Alors que la remise en cause des acquis sociaux est en marche, alors que la médecine gratuite est remplacée par la contractualisation, alors que l’école publique se clochardise pour faciliter l’essor des écoles privées, alors que le travail au noir se généralise et qu’on se prépare à légaliser la précarité dans le nouveau code du travail, alors que la mainmise des groupes privés algériens et des entreprises multinationales s’étend sur nos richesses, nous devons construire l’instrument politique nécessaire pour conduire la résistance des masses et pour dessiner un autre possible, un autre avenir, une autre politique où les ressources immenses du pays seraient investies dans un programme de développement national de l’industrie, de l’agriculture et des services, un programme qui mettrait au travail notre jeunesse désorientée, un programme qui œuvrerait à la satisfaction des besoins des masses.

Alors que les initiatives des lobbies du patronat algérien et les pressions impérialistes convergent pour exiger la levée des modestes mesures protectionnistes actuelles et alors qu’on propose l’engagement dans une ouverture débridée au profit des multinationales, peu de voix s’élèvent pour défendre l’économie nationale, pour exiger le développement des capacités productives et le renforcement des capacités de réalisation de notre pays. Alors que le pouvoir libère de plus en plus les capitalistes de toutes obligations par rapport à la société et par rapport à leurs employés, les surenchères se multiplient et un appel est lancé à une orientation encore plus libérale. Les attaques sournoises des experts libéraux contre les augmentations de salaires, la campagne furieuse, contre la protection sociale et contre les logements sociaux trouvent peu de contradicteurs. Les résistances sociales sont isolées et ne disposent pas d’une direction pour riposter.

Il faut b tir un parti du socialisme qui propose une alternative à l’exploitation capitaliste et au pillage impérialiste ! Il faut une direction politique qui propose un programme transitoire pour encadrer nos luttes !

Alors que le capitalisme mondial est en crise, alors que la fuite en avant libérale menace les acquis d’un siècle de luttes sociales, alors que l’agressivité des grandes puissances menace les acquis nationaux, les résistances se multiplient. Après le Venezuela et la Bolivie, après la révolte du peuple islandais contre les banques, c’est le refus massif de l’austérité en Grèce et partout en Europe. L’indignation grandit contre la dictature de la finance internationale, contre l’exploitation et la misère. Ces luttes ont besoin d’une perspective.

Les mobilisations gigantesques de Tunisie et d’Egypte ont renversé les despotes libéraux, Ben Ali et Moubarak, serviteurs de l’impérialisme. Mais l’impérialisme s’est redéployé. Il entend utiliser la dynamique de lutte dans la région contre les régimes autoritaires issus du nationalisme pour imposer un contrôle plus étroit. Après le protectorat US mis en place en Irak, et en Libye, par les armes de l’Otan, après la partition du Soudan, c’est toute la région qui est menacée par les appétits des grandes puissances. Aujourd’hui, les peuples de la région s’interrogent sur l’avenir. Partout dans le monde, les travailleurs et les peuples cherchent la voie. Le capitalisme est mondial, la mondialisation libérale accentue l’uniformisation des problèmes.

Il faut b tir l’instrument d’une solidarité internationale contre l’ordre impérialiste. Il faut instaurer le socialisme à l’échelle de l’humanité.

Des militantes et des militants issus de diverses expériences politiques et des luttes sociales et démocratiques ont entrepris de construire ce parti qui nous manque et ils appellent toutes celles et tous ceux qui se reconnaissent dans ce combat contre l’oppression et contre l’exploitation à les rejoindre.

Alger, juillet 2012
Comité de préparation du congrès de l’Union des Travailleurs Socialistes

Pour tout contact : uts.dz@hotmail.fr tel : 0662 88 29 02

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